À mon oreille, « Zumthor » tonne comme « ta-dam », sonne comme « Zohar ».
Ce nom qui n’emprunte pourtant rien à une formule ésotérique est peut-être celui d’un magicien.
Paul Zumthor (1915-1995) a vécu au Québec les vingt-cinq
dernières années de sa vie.
Il était d’ici et d’ailleurs. Né en Suisse, il a grandi en France
et enseigné de par le monde.
Nomade féru d’histoire, il voyageait aussi dans le temps.
De babel jusqu’à l’ère industrielle, il a envisagé notre rapport
à l’espace et au langage.
En tant que médiéviste, il a étudié la « littérature » du Moyen Âge et
son principal mode de transmission : la voix.
En plus de ses ouvrages théoriques, son œuvre comprend
des romans et des poésies.

ZumTrobaR est un duo formé en 2016 auprès du multi-instrumentiste Michel Côté.
ZumTrobaR conjugue en son titre les mots Zumthor et
trobar qui signifie troubadour dans la langue de ceux-ci, l’occitan.
Le projet s’évertue à interpréter les poèmes de cet inspirant
érudit et ainsi, de réaliser son vœu.
« Quant à être chanté, je le souhaiterais.
Du reste il me semble que, pour le poète, l’expérience doit être
enrichissante quand c’est un autre qui dit ou chante ses vers :
une distance doit se créer ainsi, une sorte d’objectivation »
Réciter Zumthor, c’est lui rendre hommage et faire
connaître son œuvre en exemplifiant ses notions de vocalité et de mouvance.
Réciter Zumthor est aussi un geste conceptuel,
une forme de mise en abime de la poésie orale dont il est l’expert.

Surtout, ZumTrobaR est une profonde méditation sur la voix et une expérience de création transformatrice.
L’œil nu est la pupille d’une spirale multidisciplinaire dont l’iris déploie vidéo-poésies, images, objets, récitals et contre-clés pédagogiques. Par une constante remédiation, ZumTrobaR donne corps à une poésie inédite qui réactualise les
« grands lieux communs qui émeuvent » que sont l’amour, la mort et la naissance.
J’offre toute ma reconnaissance à Paul et Michel, ce docte lettré et ce surdoué magnifique qui embrassent de leur esprit et de leur musique le temps et l’espace, le chaos primordial et l’harmonie des sphères.
Auprès d’eux, j’ai ce vertige d’exister, je m’ancre et m’élève à la fois.
Physiologiquement, l’oreille est l’organe de l’équilibre.
L’œil nu est celui qui nous permet de voir le fil sur lequel nous cheminons, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.
L’entendrez-vous aussi, ce doux vertige ?

Hélène Matte